Jadielle, la Belle. Et dire que je me suis juré de ne plus jamais y mettre les pieds. C’est fou quand même à quel point un seul individu peut bouleverser une vie. A quel point une même personne peut exhiber deux personnalités différentes à la maison et dans le reste de sa vie. J’ai mis des années à recoller les morceaux et à pouvoir comprendre. Comprendre pourquoi tu avais disparu ce fameux jour de Noël 2003. J’avais seulement sept ans. Tu étais tout pour moi et je t’attendais à la maison avec ma tante. Elle avait fait spécialement le déplacement depuis Céladopole. Cela faisait une semaine que tu étais en déplacement à Johto. A l’époque, je ne savais même pas ce que tu faisais pour vivre. Je n’aurais pas compris de toute façon. J’ai attendu, attendu mais tu n’es jamais revenu.

Je me souviens encore du repas de Noël refroidissant de plus en plus, de l’air inquiet de ma tante comme si elle savait quelque chose que j’ignorais. Puis elle avait allumé la télévision. On ne parlait que de l’opération avortée de la team Rocket partout. J’ai lu la peur dans ses yeux mais je ne comprenais pas pourquoi. Sans un mot, elle est allée me chercher une boîte dans la chambre de mon père. L’air interrogateur, je fixais cette boite rose bonbon surmontée d’un ruban. Apparemment, c’était le cadeau que mon père comptait m’offrir. A l’intérieur, se trouvait une petite boule de poil terrorisée. Je me souviens m’être vaguement demandé si la pauvre petite chose était restée dans cette boîte toute la journée. Sa pokeball se trouvait juste à côté. C’était la toute première fois que je voyais un Evoli. Je décidais de l’appeler Rocket parce que ces dernier temps j’entendais ce mot partout. Quand mon père parlait avec ses amis, quand lui et ma tante murmuraient entre eux et tout à l’heure à la télévision. Oui, Rocket, ça lui irait bien.

Je ne savais pas à l’époque qu’il s’agissait d’un pokemon volé. Encore moins que, n’ayant pas dix ans, je n’étais pas réellement sensée posséder un pokemon. De toute façon, je n’eu pas beaucoup le temps d’y penser. Ma tante me dit d’aller au lit et que mon père ne rentrerait pas ce soir. Rocket dans les bras, j’attendis d’être dans ma chambre pour laisser couler mes larmes. Mon cerveau d’enfant se doutait bien que quelque chose n’allait pas. Rocket m’observait pleurer, tour à tour méfiante puis intriguée.


Je n'ai pas revu mon père depuis ce fameux jour. De toute façon j'ai arrêté d'espérer dès l'âge de 11 ans. Je sais qu'il n'a pas été emprisonné avec les autres. A force de harceler ma Tante, j'avais fini par comprendre que mon père faisait partie de la Team Rocket et qu'en plus, il en était un des Commandants. Tout ce que je pensais savoir sur lui c'était écroulé en un instant. J'avais fait des recherches, découvrant petit à petit qu'il n'était pas l'homme bon que j'avais toujours cru qu'il était. C'était ma Tante qui m'élevait à présent. Elle aussi avait été membre de la Team Rocket mais de façon plus confidentielle.

Elle s'était mis en tête de m’entraîner, persuadée que la Team se reformerait un jour et qu'il faudrait quelqu'un pour reprendre le flambeau familial. Je n'avais pas envie de la décevoir alors j'apprenais tout ce qu'elle voulait bien m'enseigner. Voler une pokéball dans la poche d'un dresseur (pour de faux à cette époque là), entrer par effraction dans une habitation, l'usage des fumigènes... Tous les petits tours de la pègre de Kanto en somme. Ça ne me plaisait pas mais que pouvais-je faire d'autres.

Rocket avait fini par m'adopter. Il avait fallu des mois pour qu'elle apprenne à me faire confiance. Quelques années pour qu'elle se décide à m'aimer. Maintenant? Nous sommes inséparables. Elle a traversé à mes côtés les plus sombres périodes de ma vie, m'apportant un soutien indéfinissable. Le jour ou elle avait évolué en Nymphali restera à jamais gravé dans ma mémoire. C'est ce jour là que j'ai compris que notre lien ne se briserait jamais. J'avais alors 14 ans. Cependant, en voyant le regard rempli de convoitise que ma Tante posait sur Rocket, j'ai compris qu'il valait mieux que je quitte Céladopole pour quelques temps. Ma Tante était une collectionneuse, mais pour elle comme pour mon père, les pokemons étaient de jolis bibelots et non des êtres sensibles voir des compagnons. Je ne voyais pas les choses comme ça.

Un an à peine après que je sois partie à l'aventure, la loi anti combat fut promulguée. J'avais pendant mes voyages capturé deux evoli. Je me sentais attirée par ces pokemon sans trop savoir pourquoi. Ils avaient quelque chose d'à la fois fragile et rassurant. Pour moi qui était plutôt brute de décoffrage, cela me permettait de m'apaiser. La vie de dresseur, c'était fini. De toute façon, je n'avais jamais été très assidue dans ma recherche de badges. La preuve, en un an je n'en avais obtenu que deux. Ce qui m'intéressais vraiment, c'était les pokémons rares. Que voulez-vous, j'ai ça dans le sang. J'ai deux rêves. Capturer Mew et regrouper toutes les évolutions d'Evoli.

Si je n'ai pour le moment entendu que de folles rumeurs sur le petit pokemon rose, je me rapproche de plus en plus de mon rêve Evoliesque. Mes Evoli ont respectivement évolué en Phyllali et Givrali, mais je vous expliquerais ça plus en détail un peu plus tard. Les deux mâles de mon équipe s'entendent comme chien et chat. Je fais de mon mieux pour apaiser les tensions mais avec un petit malin et l'autre au mauvais caractère, il suffit d'un moment d'inattention de ma part et les petits fripons essaient de savoir qui est le plus fort. Ca reste bon enfant bien sûr mais je n'arrive pas à les faire renoncer à leur rivalité fraternelle. Heureusement  que Rocket est au dessus de tout ça. Elle regarde ces deux petits jeunes d'un air consterné.

En fait, plus j'y pense et plus je me dis que mes pokemon me ressemblent. Comme Phyllali je suis rusée et prête à tout pour réussir les buts que je me suis fixée quitte à me mettre plus d'une fois en marge de la légalité. Comme Givrali, je suis loin d'être quelqu'un à la morale irréprochable. Je viens d'un milieu mafieux après tout. Mais j'ai développé mon propre système de valeurs auquel je m'accroche coûte que coûte. Ce n'est pas moi qu'on verrait malmener un pokemon ou mener un pokemon affaibli au combat. Pourtant, rendre chèvre un membre des forces de police ou entrer par effraction dans des endroits dans lesquels je n'ai pas été invitée... ça c'est beaucoup plus moi. Et enfin, comme Nymphali, la vie ne m'ayant pas épargnée, je sais me montrer prudente. Pas forcément dans mes actions mais plutôt dans mes sentiments. Je ne fais pas confiance facilement. On peut même dire que je suis très méfiante. Après tout, ce sont les personnes les plus proches de nous dont la trahison fait le plus mal.

Pour en revenir à mon histoire, un mois à peine après que la loi fut promulguée, ma tante me téléphona pour me demander de la retrouver d'urgence à Jadielle. J'aurais du sentir le piège... Dans ma grande naïveté, je m'y suis rendue le plus vie possible. En ouvrant la porte de ma maison d'enfance, je tombais nez à nez avec la mafia familiale. Mon père et ma Tante, réunis dans la même pièce. Après toutes ces années, c'était surréaliste.  

Vous vous demandez surement pourquoi ils m'avaient convoqué n'est ce pas? Vous ne vous en doutez pas? Mais pour me demander de participer à leur trafic bien sûr. Quand je dis "demander", disons plutôt qu'ils pensaient que cela allait de soi. J'étais une Carstairs, je me devais donc de les aider. Seulement voilà, j'ai dit non. J'ai hurlé, mon père a hurlé. Il m'a giflée, sentant ma détresse, Nymphali est sorti de sa pokeball et m'a défendu. Du grand n'importe quoi et un vrai gâchis. Je suis partie sans me retourner. Participer à de l'importation de Pokemon en masse et par cargo, non merci. Rien que d'imaginer tous ses pokemons entassés les uns sur les autres au fond d'une cale pendant des jours me retournait le coeur. Sur le chemin, je passais un appel anonyme à la police locale pour les prévenir de ce qui se tramait.

Peu de temps après, alors que je m'étais installée à Cramois'ile j'ai reçu une visite du Département de la Police et des Contrôles Pokemon. Mon idiot de père s'était enfin fait arrêter pour trafic. Ainsi que ma Tante. Si le père et la tante était dans le coup pourquoi pas la fille hein? Autant faire un triplé! C'était bien la peine de les avoir prévenu et de leur avoir servi mon père sur un plateau d'argent... Après une nuit derrière les barreaux et plusieurs jours d'interrogatoire, on m'a enfin libérée. Ils ont vérifié mon relevé d'appel, confirmé que c'était bien moi qui les avait prévenu. Formidable! Seulement voilà, le doute subsiste pour les habitants. Il n'y a pas de fumée sans feu non? Après tout machin m'avait bien vue dans les hautes herbes. Et puis cette rumeur sur mon entrée par effraction au Manoir... 'Non vraiment, cette petite n'est pas toute blanche'.

Ne supportant plus les regards suspicieux, je décidais de partir quelques temps. Unys m'ouvrait les bras. Je savais qu'il existait là bas des lieux spéciaux où faire évoluer mes précieux évoli. Quoi de mieux pour une collectionneuse comme moi? De plus cela me permettrait de développer mes talents de Barmaid, les bars d'Unys étant renommés dans tous les continents alentours. Là-bas, personne ne me connaissais. Cela m'a aidée à me reconstruire. J'ai visité une bonne partie du continent à la recherche de ces fameuses pierres. Ce ne fut pas de tout repos, croyez moi. Mais assister aux évolutions de Phyllali puis de Givrali... C'était tout simplement magique. Leur nouvelle apparence correspondait tellement à leur personnalité. Si j'avais été plus émotive, j'en aurais pleuré tiens!

Bientôt, il fut néanmoins temps de rentrer à Kanto. J'ai pris le bateau avec la boule au ventre. Il m'a fallu du temps pour être de nouveau acceptée. Heureusement, le patron du bar me faisait confiance, lui. nous étions resté en contact et il a accepté de me faire travailler. Majoritairement le soir quand, l'alcool aidant, les gens oublient jusqu'à mon nom. Avec les années et voyant que je ne faisais pas de vagues, les habitants ont commencé à se détendre en ma présence. Il y a toujours des regards en coin, mais ils apprécient mes cocktails alors ils font avec.

Quand je ne travaille pas, je cherche des renseignements sur les pokemons légendaires. Le seul avantage de mon nom, c'est que j'ai accès à certains milieux sans qu'on me pose trop de questions.