22 Octobre 2010 – Plateau Indigo
« Iris, tout ceci n'a aucun sens. Vous êtes bien certaine de savoir ce que vous faites ? C'est... » « Je n'ai jamais été aussi sûre de moi. » Les cinq paires d'yeux qui la fixaient avaient le don exceptionnel de faire perdre leur couleur à tous dresseurs qui se respectaient. Mais ce jour-là, elle n'avait nullement l'intention de baisser le regard face à eux. Le conseil exceptionnel auquel elle avait droit lui donnait raison, sa décision était suffisamment importante pour inquiéter la Ligue Pokémon dans son intégralité. Deux jours plus tôt sans crier gare elle avait pris l'incroyable décision de fermer l'arène de Carmin-sur-Mer, sans prévenir personne. Mais cela faisait des mois qu'elle tirait la sonnette d'alarme sans que personne ne la prenne au sérieux. Peut-être seraient-ils désormais plus disposés à l'écouter. « Comment avons-nous pu vous accorder notre confiance ? » lança une membre du Conseil, complètement scandalisée. En vérité, elle n'avait jamais vraiment apprécié la championne et avait été la première à s'opposer à sa nomination, sept années plus tôt lorsque le champion précédent avait claqué la porte après la découverte dans sa propre ville du cadavre d'un Pokémon décédé après un combat inhumain. Du haut de ses dix-neuf ans, originaire de la ville, ancienne élève du champion et elle aussi passionnée par le type Électrique, Iris malgré son jeune âge avait été la candidate idéale. Elle aussi avait été profondément touchée et choquée par cette macabre découverte mais elle possédait encore l'insouciance et l'arrogance de la jeunesse et c'était emplie de fierté et d'orgueil qu'elle avait accepté sans réfléchir un dixième de seconde à cette proposition. Pendant sept ans elle avait régné d'une main de maître sur cette arène, elle était devenue un adversaire incontournable pour les jeunes dresseurs et avait réussi à gagner le respect des plus sceptiques parmi les champions plus anciens ou les membres de la Ligue. A présent, ce respect elle semblait l'avoir mis à mal. « Iris, réflechissez un instant. Tout ce que vous avez à gagner c'est le mépris de vos camarades champions et la haine des dresseurs que vous privez d'un badge important. Il doit y avoir une autre solution. » « UNE AUTRE SOLUTION ? Evidemment qu'il y en a une ! Je ne renonce pas à ma carrière de dresseur, à mon titre, à mon arène et à tout ce qui m'est cher par gaieté de cœur. Mais je ne continuerai pas à combattre si cela doit nuire aux Pokémons. Il y a une autre solution, oui. C'est à VOUS de mettre un terme à cette barbarie ! Il est nécessaire de changer la loi et les mentalités. Tant que vous n'êtes pas prêts à cela, les portes de l'arène de Carmin-sur-Mer resteront closes. » Malgré les nombreuses protestations des cinq membres de la Ligue, Iris ne broncha pas. Sa décision était prise. A eux d'aller dans son sens désormais s'ils voulaient la voir revenir sur sa parole qui allait ébranler la Ligue de Kanto.

1er janvier 2011 – Carmin-sur-Mer
« ...Un tremblement de terre sans précédent... ...La région de Kanto ne sera plus jamais la même... ...une grande victoire pour l'APP... ...un séisme... » La nouvelle était sur toutes les lèvres, à la une de tous les journaux et avait ébranlé toute la région de Kanto. La Ligue Pokémon venait d'être dissoute, les arènes fermées, les combats interdits. Plus rien ne sera comme avant. Un instant la jeune femme eut une pensée compatissante pour ses anciens amis qui n'avaient pourtant pas hésité à la traîner dans la boue et à lui tourner le dos quelques mois auparavant. Ils n'avaient pas voulu l'écouter, ils avaient préféré la mépriser plutôt que de la suivre et les voilà désormais au pied du mur. Eux aussi renonçaient à leurs rêves mais contrairement à l'ancienne championne, ils ne l'avaient pas choisi. Quel terrible sort, elle ne pouvait que comprendre leur stupeur et leur indignation ! Mais il était désormais important qu'ils comprennent à leur tour la nécessité d'une telle décision. Cela ne pouvait plus continuer. Depuis la fermeture de l'arène, Iris avait repris avec plus d'assiduité que jamais son métier de ranger. Elle se portait volontaire pour une grande partie des missions, prête à se battre pour faire accepter ses idées. C'était désormais chose faite mais elle savait que tout n'était pas gagné. Loin de là. Elle regrettait que la situation soit arrivée à un tel point mais face à l'aveuglement maladif de la Ligue il avait fallu agir. Au sein de l'APP qu'elle avait rejoint quelques jours avant la fin de sa carrière de dresseur, on exultait. La victoire leur donnait des ailes. Étrangement cette victoire avait un goût amer dans la bouche d'Iris qui aurait sincèrement aimé trouver une autre solution. « C'est une immense victoire et nous pouvons être fiers de cette décision ! » Fière ? Elle ne l'était pas vraiment. Fière, elle le serait quand tous se rangeraient derrière eux, prêts à croire qu'ils avaient raison. Fière, elle le serait même quand ses nouveaux camarades de l'APP admettront qu'eux aussi sont parfois trop radicaux et qu'être dresseur n'est pas toujours incompatible avec la volonté d'un monde en harmonie avec les Pokémons. Fière, elle le serait d'autant plus lorsqu'elle parviendrait à accéder à son ultime rêve. Elle se laissait un an pour voyager jusque dans les autres régions et faire entendre la voix de l'APP mais également ses propres idéaux et elle espérait durant ce périple croiser la route d'un Pokémon dont elle rêvait jour et nuit depuis sa plus tendre enfance. Capturer un Raikou sans user de la moindre force était une chose quasiment impossible mais si elle y parvenait elle pourrait enfin prouver au monde entier que les dresseurs avaient tout à gagner à respecter les Pokémons. Évidemment ses amis la prenaient pour une folle et ses camarades de l'APP lui reprochaient parfois de regretter sa vie d'avant. De son côté, elle savait ce qu'elle valait et c'était bien là l'essentiel. Non, elle ne se sentait pas fière de ce qui se passait. Soulagée était un mot bien plus adéquat. Oui, elle était soulagée. Et terriblement impatiente d'entamer cette nouvelle vie et de parcourir ce monde ébranlé par un séisme sans précédent. Tout allait changer désormais et ce n'était pas un mal.

1er février 2016 – Carmin-sur-Mer
« Garce. Lâche moi. T'as rien à me reprocher. J'faisais rien de mal. » « Non, évidemment tu ne faisais rien de mal. Tu traînais simplement dans une réserve protégée, ton sac rempli de pokéballs vides, sans un seul appât et avec une équipe apte au combat. Mais je n'ai absolument rien à te reprocher. » « T'as aucune preuve, que dalle ! » « Je crois que mon Voltali se souviendra encore longtemps de l'attaque Morsure de ton Demolosse, c'est une preuve suffisante. » Alors qu'elle menaient le petit voyou jusqu'à la base ranger afin qu'il réponde de ses actes, la jeune femme restait calme et détendue. C'était devenu malheureusement une mission de routine. Cinq ans après l'interdiction de mettre à mal l'intégrité physique d'un Pokémon, certains n'avaient toujours pas compris et continuaient de défier la loi. Parfois Iris se contentait de faire de la prévention avec les plus jeunes et insouciants d'entre eux qui finalement ne comprenaient pas toujours quel mal il y avait à affaiblir des Pokémons avant de les capturer. Mais d'autres comme ce sale gosse semblaient prendre un malin plaisir à contourner la loi et cela la mettait hors d'elle. « Pfff vous m'faites tous rire, tes acolytes et toi. Contre les combats, hein ? T'as pas hésité à lâcher tes saletés à mes fesses, pourtant ! » Elle se retint pour ne pas resserrer les menottes contre les poignets déjà malmenés. Mais elle adressa un simple clin d’œil à Volt qui aussitôt lâcha une petite décharge sur le jeune homme qui se trémoussa sous la douleur. « Tes Pokémons ne méritent pas ce que tu leur fais subir. Toi, en revanche... Je crois que je pourrais continuer toute la journée à admirer les miens t'envoyer décharge sur décharge. C'est la différence entre toi et moi, trésor. Je ne fais souffrir que ceux qui le méritent. » Depuis cinq ans c'était son plus grand combat. Pourchasser et arrêter tous les dresseurs illégaux qui continuaient de braver l'interdiction, mettant plus en danger encore la vie de leurs Pokémons. Elle continuait d'agir au sein de l'APP et elle continuait de croire en leurs idéaux. Mais en cinq ans, elle avait eu la preuve que ses inquiétudes étaient réelles. Cette loi anti-combat n'avait en rien réglé le problème, bien au contraire. Les dresseurs continuaient de combattre dans la plus grande illégalité et dans la plus grande discrétion. La Team Rocket était de retour. Les plus grands dangers continuaient à rôder dans l'ombre et il était plus nécessaire que jamais de protéger Kanto. Iris ne comptait pas baisser les bras, loin de là.